Une
femme française sur 7 consulte un médecin pour un problème
d’infertilité. Parmi celles-ci, il y a les femmes (ou les couples)
totalement stériles – qui ne pourront jamais avoir d’enfant sans
traitement (absence totale de spermatozoïdes ou d’ovules, trompes
obturées définitivement ou absentes), et celles qui sont « hypofertiles
». Pour ces dernières une grossesse est possible, mais on ne peut
garantir qu’elle surviendra.
On a pu calculer que dans une génération née une année donnée, le
nombre des femmes qui demeurent sans enfant diminue progressivement en
raison des grossesses que les autres femmes parviennent à obtenir avec
le temps, soit spontanément, soit grâce à un
traitement contre la fertilité . Par exemple, si un ensemble de femmes commence à désirer une grossesse en 2000, 13 % n’y parviendront pas dans l’année.
Parmi celles-ci, peu à peu, grâce aux traitements, certaines
deviendront enceintes de 2001 à 2003, et en 2004 il restera encore 3 à 5
% des couples qui demeureront sans enfant. Pour une grande partie
d’entre eux, le médecin ne comprend pas les raisons de cette « stérilité
». La tentation est grande alors de trouver une cause minime à laquelle
on donne injustement de l’importance ou encore de dire qu’il s’agit
d’une stérilité « psychogène ».
Mais la vérité est que la médecine ne
sait pas tout, qu’elle ne peut encore tout comprendre et l’on peut bien
alors qualifier cette stérilité d’« inexpliquée ». Il reste des
découvertes à faire et ces stérilités inexpliquées deviendront un jour
expliquées comme d’autres autrefois incurables sont aujourd’hui
curables.
On le voit, ces stérilités inexpliquées comportent des causes mal
connues ou totalement ignorées et des causes mal comprises. Parmi les
premières, on peut classer un ensemble de causes rares que l’on n’a pas
l’habitude de rechercher mais qui sont explicables. Les secondes, parmi
lesquelles se situent les stérilités psychogènes, comportent les effets
d’un grand nombre de facteurs d’environnement.
Mais ce qui peut influencer toutes les causes, c’est l’âge des partenaires, sur lequel il nous faut revenir.
L’âge des parents, une cause des Stérilités
Pour obtenir une grossesse, il ne suffit pas d’avoir des rapports
sexuels. Il faut encore que les relations sexuelles aient lieu en
période d’ovulation. Et même alors, la probabilité qu’une femme jeune et
féconde, avec un partenaire jeune et fécond, ait un enfant est
seulement d’environ 25 %. Ceci signifie qu’un couple fécond ayant des
rapports sexuels fréquents a 1 chance sur 4 d’avoir l’enfant désiré.
Cette chance va, pour des raisons biologiques inéluctables, dimi-nuer
avec l’âge de la mère. Après 33 ans, elle est d’environ 1 chance sur 8,
après 38 ans, 1 chance sur 12 ou 15. Encore faut-il que les rapports
sexuels aient bien lieu chaque mois au bon moment. Bien sûr, la médecine
peut augmenter les chances en rapprochant les spermatozoïdes des
ovocytes par exemple, mais si la grossesse ne survient pas, il ne faut
pas dire aussitôt qu’il s’agit d’une stérilité inexpliquée.
De la même façon, l’âge du père diminue la qualité du sperme d’une
manière moindre – et plus tardivement. Ajoutons que l’âge diminue aussi
la fréquence des rapports sexuels et que pour certains cycles on laisse
ainsi passer la chance. Donc, ne pas oublier ce facteur dans le constat
d’une infertilité persistante.
Les causes mal connues des Stérilités
La recherche d’une cause possible d’infertilité passe d’abord par la constatation :
- d’un nombre suffisant de spermatozoïdes normaux et mobiles ;
- d’une ovulation correcte ;
- d’une perméabilité des trompes ;
- du passage des spermatozoïdes dans les voies génitales de la femme ;
- du fait que le pavillon des trompes peut capter les ovocytes issus de l’ovaire.
Ce sont les facteurs essentiels, mais il en est d’autres.
Chez l’homme
- L’infection chronique des voies génitales provoque la présence de
facteurs toxiques dans le liquide spermatique : les spermatozoïdes sont
moins mobiles. Ces infections chroniques peuvent passer totalement
inaperçues et l’homme peut ne ressentir aucun symptôme.
- Les anticorps anti-spermatozoïdes. De même que l’on a des anti-corps
contre le virus de la rubéole ou contre le toxoplasme, certains hommes
ont des anticorps contre leurs propres spermatozoïdes. Ces anticorps,
présents dans le sperme, immobilisent les spermatozoïdes.
- Des anomalies chromosomiques mineures (une petite anomalie sur un
chromosome) s’accompagnent aussi d’une diminution de la fécondité.
- Des anomalies de la constitution des spermatozoïdes portant par
exemple sur l’acrosome (tête du spermatozoïde) ou sur son flagelle
diminuant les chances de fécondation.
Chez la femme
- Elle peut aussi avoir des anticorps anti-spermatozoïdes à la suite
du passage de spermatozoïdes dans sa circulation sanguine. Elle aura
alors développé des anticorps qui vont rester présents et immobiliser
les spermatozoïdes dans ses propres sécrétions.
- Des anomalies de la captation de l’ovocyte : par exemple trompes trop longues, trop éloignées de l’ovaire.
- Des anomalies de la rupture du follicule. Tout paraît indiquer que
la femme ovule, mais le follicule ne se rompt pas et l’ovocyte reste
emprisonné.
- Des anomalies de l’endomètre. Pour que l’œuf puisse s’implanter et
s’accrocher sur l’endomètre, il faut que cette muqueuse soit « préparée »
: elle contient des sucres en plus grande quantité, elle reçoit des
vaisseaux en plus grand nombre. Parfois, l’endomètre est inapte à
l’implantation.
- Des anomalies de la maturation de l’ovocyte. Pour qu’une fécondation
ait lieu, il ne faut pas seulement qu’il y ait un ovocyte, il fautqu’il
soit mûr, c’est-à-dire qu’il ait subi pendant les dernières heures de
la croissance de l’ovocyte un processus qui le rende propre à être
fécondé par un spermatozoïde. De temps à autre, l’ovocyte expulsé n’est
pas mûr. Il se peut aussi que l’ovocyte ait des anomalies de ses
chromosomes, comme chez l’homme.
Toutes ces causes ont en commun d’être mal connues, difficiles à
mettre en évidence et de ne pas entraîner constamment une stérilité.
C’est la raison pour laquelle un couple peut croire qu’il a une
stérilité « inexpliquée », alors même qu’il y a une explication…
ignorée.
Les causes mal comprises des Stérilités
L’environnement des humains a beaucoup changé depuis quelques
décennies. En quoi les nouveaux facteurs d’environnement de l’individu
sont-ils en relation avec des nouvelles formes de stérilité ?
C’est ce que nous allons tenter d’exposer. On se souviendra que
lorsqu’on parle de stérilité, il peut s’agir de stérilité transitoire ou
hypofertilité liée temporairement à certains facteurs d’environnement.
On se souviendra aussi que les facteurs écologiques n’ont
naturellement pas, à tous les degrés, la même influence sur tous les
individus dont la réaction dépend de divers facteurs : l’âge, les
antécédents, la psychologie…
Nous envisagerons successivement :
- le rôle du stress ;
- le rôle des facteurs toxiques liés au mode de vie ;
- le rôle des nouvelles habitudes médicales.
Stérilités: Le rôle du stress
Le rôle du stress dans la vie moderne est un sujet tellement rebattu
qu’il est inutile d’insister. Pour les générations qui nous précédaient,
un voyage à l’étranger ou un déplacement à l’intérieur même du pays
représentait un événement, la vitesse était une notion inconnue, le
temps n’avait pas la même durée.
Ce que le progrès a apporté à notre société se mesure indéniablement
en termes de stress plus nombreux, plus fréquents. Notre société, par
ailleurs, est devenue plus aliénante par la fréquence du travail
féminin, la longueur des trajets pour se rendre à son travail, par les
embouteillages, par les loisirs insuffisants ou trop fréquents – ou
insatisfaisants -, par le travail à la chaîne, etc.
Et sans doute doit-on se souvenir que H. Selye disait du stress que «
chacun sait ce qu’est un stress, et personne ne sait ce que c’est… »,
mais on peut, avec Schuller, considérer que le mot englobe aussi bien
les efforts physiques que la douleur, les réactions de peur et d’anxiété
(c’est-à-dire de peur sans objet), les efforts intellectuels intenses,
les contraintes (les humiliations) et les censures, les agressions
somatiques (traumatiques, métaboliques) et même les réactions
d’étonnement et de joie devant un succès inattendu.
Si l’on additionne tous ces facteurs, on peut, certes, dire que les
menaces qui pesaient sur l’individu il y a 50 ou 100 ans étaient
différentes de celles d’aujourd’hui, et que dans notre société le stress
est quotidien et permanent. Or deux notions nouvelles viennent éclairer
le rôle possible du stress comme facteur étiologique des stérilités :
- la connaissance des facteurs émotifs à l’origine de troubles de la fabrication des gamètes ;
- la connaissance du rôle du stress sur la sécrétion de prolactine.
On sait que la sécrétion de prolactine est extrêmement labile, qu’il
existe un rythme circadien avec décharge pendant la nuit influencé par
le sommeil, et un cycle menstruel de la prolactine. Or de nombreux
travaux montrent le rôle du stress sur les perturbations de sécrétion de
prolactine. L’hyperprolactinémie, chez la femme, aboutit à une
suppression de l’ovulation.
Or, si l’on connaît bien les effets négatifs de l’élévation
permanente du taux de la prolactine, on connaît beaucoup moins bien les
effets d’une élévation transitoire, de quelques heures par exemple, et
qui n’apparaîtrait qu’en pratiquant plusieurs dosages sanguins par jour…
Le rôle des facteurs toxiques liés sur les Stérilités
Le tabac
Schirren a fait état d’une très nette amélioration du nombre et de la
qualité des spermatozoïdes sur un groupe d’hommes stériles 3 à 6 mois
après l’arrêt du tabac. Le rôle du tabagisme est aussi néfaste chez la
femme. Dans le même sens, indiquons qu’il peut exister des
oligo-asthénospermies dans les intoxications chroniques par l’alcool.
L’oligo-asthénospermie est d’autant plus marquée que sont perturbées les
épreuves hépatiques. Schoysman cite un cas de rétablissement d’une
spermatogenèse normale après une cure de désintoxication.
Les médicaments
L’usage de plus en plus répandu de médicaments tranquillisants ou calmants a indéniablement des relations avec la fertilité.
La libération des gonadotrophines est influencée par des
neuromédiateurs du système nerveux central. L’utilisation
d’antagonistes, de dépléteurs ou d’inhibiteurs de la synthèse de ces
neuromédiateurs se traduira par des troubles de la fertilité. On connaît
la fréquence des troubles de l’ovulation chez des femmes utilisant des
tranquillisants.
Les facteurs nutritionnels et l’obésité
On ne connaît pas directement les mécanismes par lesquels les fortes
augmentations de poids diminuent la fertilité, mais nous connaissons
tous les cas de stérilité guérie pendant une cure d’amai-grissement chez
la femme ou chez l’homme.
Le travail nocturne
Le travail nocturne entraîne des perturbations du rythme circadien de
la prolactine et il s’ensuit des troubles de l’ovulation. Ceci se
rencontre par exemple chez certaines hôtesses de l’air.
Les facteurs psychologiques
C’est à dessein que nous gardons pour la fin le
problème des stérilités que l’on appelle couramment d’origine psychogène.
Elles rentrent certainement indirectement dans le cadre que nous
avons abordé, ne serait-ce que parce que la libéralisation de la
sexualité dans la société actuelle et la dévalorisation de la maternité
ont changé le « modèle féminin ». Un certain nombre d’« histoires »
prouvent qu’il y a des facteurs psychologiques à l’origine de certaines «
stérilités » (grossesses après adoption d’un enfant ou après un simple
examen gynécologique ou même le mois où la première consultation a
lieu).
Mais on ne doit pas conclure que toute stérilité inexpliquée est « psychogène ».
Par contre, il faut indéniablement tenir compte de facteurs psychologiques qui peuvent jouer un rôle plus ou moins important :
- peur d’être enceinte parce que des exemples familiaux ou dans
l’entourage ont imposé une image de catastrophe ou encore parce qu’on a
perdu un enfant dans des conditions dramatiques ;
- peur d’être mère parce que sa propre mère est porteuse d’une image négative ;
- peur d’avoir un enfant parce que la place de cet enfant dans l’inconscient est déjà prise par un autre ;
- peur de déformer son corps ;
- peur de perdre son couple.
A cela s’ajoutent aussi :
- les mésententes inconscientes dans le couple ;
- les rapports sexuels peu fréquents ou impossibles en période d’ovulation ;
- les conséquences des attitudes de certains médecins qui inquiètent ou aggravent les peurs inconscientes ;
- les hommes qui n’éjaculent pas lors de chaque rapport, souvent par
refus inconscient de la grossesse ou par refus du rôle de géniteur qu’on
leur fait jouer.
-
Ce ne sont que des exemples parmi d’autres.
Ces facteurs jouent un rôle certain. Mais aucune psychothérapie n’en
vient à bout de manière régulière. C’est le rôle du gynécologue
d’écouter ses patients, de comprendre les problèmes sous-jacents, de
rassurer le couple tout en faisant apparaître les relations possibles
entre tel ou tel événement et la difficulté de concevoir un enfant. La
confiance que le médecin inspire au couple est un facteur essentiel de
la guérison de la stérilité.